Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin Henri arrive, sans blessure, dans une sorte de chambre voûtée, fermée au fond par une porte de fer…

Plus d’ennemis ! ils se sont enfuis par là sans doute ! Effectivement, à travers un judas grillagé, le lieutenant voit luire deux yeux… L’ennemi est là !

Un sergent de voltigeurs a vu aussi. Il se rue sur la porte… et tombe foudroyé. Un coup de feu, parti du judas, l’a étendu raide-mort !

— Un madrier, une poutre ! crie l’officier. Enfonçons la porte !

Mais à peine a-t-il prononcé cet ordre, qu’une explosion terrible les enveloppe tous d’une vaste lueur flambante ; le bâtiment semble osciller, des moellons tombent de la voûte, les murailles se fendent ; le sol dallé s’est soulevé comme sous l’influence d’un tremblement de terre, et Cardignac tombe, les oreilles bourdonnantes, au milieu d’un amas chaotique de poutrelles, de débris, de poussière soulevée.

Heureusement il n’a que des contusions et une légère déchirure au front ; mais il est bien resté maître de son cerveau : sa volonté reste puissante. D’un violent effort il se redresse, les yeux un peu hagards, et appelle ses voltigeurs.

Personne !

Un seul d’entre eux lui apparaît. Son torse émerge des décombres ; mais le malheureux est mort, écrasé par un énorme bloc descellé du mur.

L’officier regarde autour de lui : de la porte d’entrée, de la porte de fer, il n’y a plus trace ! Les débris amoncelés les recouvrent, le plafond voûté est strié de larges fissures, et les murailles disloquées semblent prêtes à s’écrouler.

— Je suis muré vivant ! songe Henri… Par où sortir ?… car il faut que je sorte !

Il essaye de dégager un madrier, mais les matériaux disjoints, maintenus dans un équilibre instable, s’effondrent.

— Tonnerre ! murmure Cardignac, est-ce que je vais m’enterrer moi-même ?…

Tout à coup il se retourne brusquement : à travers les fissures des murailles, des cris lui parviennent… Ce sont des voix d’enfants mêlées de pleurs, de supplications.

Il bondit dans cette direction, colle son oreille dans la profonde lézarde du mur, et frissonne.