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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/143

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tion dans le cœur de l’ancien soldat de l’Empereur, gardait le silence ; soudain, des pas se firent entendre ; un jeune homme à la mine fière, aux yeux bleus, au regard assuré, entra dans la pièce : il était tête nue et portait l’uniforme de capitaine de vaisseau. Plusieurs officiers entrèrent derrière lui.

Son visage refléta aussitôt l’impression qui venait de se peindre sur celui du colonel ; il y eut un silence, silence gênant, surtout pour les officiers anglais qui suivaient.

Jean Cardignac avait deviné plutôt que reconnu le Prince de Joinville.

Il s’inclina respectueusement.

— Vous habitez à l’étranger, monsieur ? demanda le commandant de la Belle Poule.

À cette question, qui prouvait combien le Prince était loin de deviner les motifs qui avaient provoqué ce long voyage, le colonel Cardignac répondit par un bref exposé des faits que nous connaissons.

Le Prince de Joinville tendit alors la main au vieil officier, et se tournant vers sa suite :

— Heureux et grand, l’homme qui est l’objet d’un pareil culte ! dit-il.

Mais en levant les yeux, le colonel venait de reconnaître, parmi les Français qui accompagnaient le fils du Roi, le lieutenant-général Bertrand.

Le Grand Maréchal du Palais avait, de son côté, reconnu le vaillant à qui il avait raconté, quinze ans auparavant, les derniers moments de l’Empereur, et s’était précipité vers lui.

Les deux fidèles de la religion impériale s’étreignirent silencieusement, puis le Grand Maréchal dit à voix basse :

— Viendrez-vous à l’exhumation ?

— Certes, si vous voulez bien en demander pour moi l’autorisation au Prince.

— Elle est accordée d’avance ! C’est pour demain soir. Nous commençons de nuit parce que le travail sera long, et nous mettons à la voile le jour suivant.

— Oh ! fit à voix basse le colonel Cardignac, si je pouvais retourner en France avec vous !

— Je ne puis vous le promettre, mais je le demanderai.

— Merci !

Cependant le Prince de Joinville parcourait lentement l’étroite pièce.