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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/159

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CHAPITRE X

pierrot la flèche


Un malheur n’arrive jamais seul, dit le proverbe.

Hélas ! le proverbe a parfois raison, et la disparition du colonel Cardignac devait frapper à mort la digne compagne de sa vie.

L’affection de Lise et de Jean, née pour ainsi dire dans la fumée d’une bataille, s’était, au cours des grandes guerres de l’Empire, renforcée encore par la communauté des émotions partagées.

Ces deux cœurs s’étaient alors si intimement soudés l’un à l’autre, qu’en touchant l’un, la mort devait fatalement frapper les deux, et c’est bien, hélas ! ce qui arriva.

Le désespoir de Lise fut irrémédiable.

Ni l’affection de ses enfants, ni les soins de Lucienne, ne purent avoir raison de la morne tristesse qui envahit la pauvre femme.

Elle s’étiola, vieillit et s’affaiblit avec une désolante rapidité. Finalement, dans les premiers jours d’avril 1841, elle partit, la bonne Lise, pour rejoindre là-haut son Jean.

Elle s’éteignit doucement, sans souffrance, entre les bras de ses deux fils ; car Jean et Henri avaient tous deux quitté l’armée d’Afrique, après la mort du colonel, pour se rapprocher de leur mère.

Ce n’avait pas été du reste sans regret, surtout pour Henri qui laissait derrière lui dix belles années de guerre et aussi ce beau régiment des spahis qu’il avait vu naître.