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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/233

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devenu général, mes enfants, qui assuma la charge du gouvernement de Paris pendant le siège de 1870-71 par les Allemands ; rôle ingrat et lourde responsabilité qu’il dut accepter par patriotisme, et qui valurent à sa mémoire les reproches et les injures dont sont prodigues, vis-à-vis de leurs généraux, les peuples vaincus.


Le Christophe-Colomb arriva à Gallipoli, ville du détroit des Dardanelles, le 26 mai. Pendant toute cette traversée, Pierre, pris soudain d’un grand désir de savoir, lui qui avait été si paresseux jusque-là, avait été vivement intéressé par la vue de la machine à vapeur qui permettait au bâtiment de suivre, contre le vent, la ligne droite, inconnue des navires à voiles, et de quadrupler, par suite, la vitesse de marche.

Pourtant l’appareil de propulsion n’était pas encore l’hélice à laquelle vous avez vu travailler Jean Cardignac et qu’on ne trouvait encore que sur très peu de vaisseaux.

Le Christophe-Colomb était encore un bateau à aubes, c’est-à-dire muni de roues à palettes ; et il était semblable, à quelques perfectionnements près, au bateau le Clermont, construit par Fulton au début du siècle, bateau que Napoléon Ier, cette fois mal inspiré, n’avait pas voulu regarder comme un engin sérieux.

À Gallipoli, l’entrain des troupes françaises débarquées allait recevoir une dure atteinte ; elles restèrent d’abord en ce point inactives pendant plusieurs semaines, passèrent devant Constantinople dont elles admirèrent le merveilleux panorama, et furent dirigées sur Varna : mais en y arrivant, elles rencontrèrent un fléau dont le nom seul terrifie la vieille Europe, où il a fait jadis plus d’une sinistre apparition.

Vous devinez, mes enfants, que c’est du choléra que je veux parler.

En quelques semaines, le choléra accomplit des ravages effrayants dans le corps expéditionnaire.

En vain le Maréchal de Saint-Arnaud, pour faire changer d’air les troupes accumulées à Varna, ordonna l’expédition de la Dobroudscha ; ce fut une idée lamentable : et le nom de cette province, située au sud des Bouches du Danube, est resté funèbre dans notre histoire : le mal devint foudroyant et il fallut tout le moral des officiers et l’admirable dévouement des médecins militaires pour que la crainte du fléau ne dégénérât pas en panique.