Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est un peu vrai, répondit Henri, pendant qu’autour de lui les officiers russes riaient de bon cœur, prouvant par là qu’ils connaissaient plus d’un trait du caractère spécial du général Pélissier. Ainsi, poursuivit-il, l’autre jour, impatienté de recevoir de l’Empereur ordres sur contre-ordres, il a télégraphié au Ministre de la Guerre, à Paris : « Si vous m’embêtez encore, je coupe le fil !… »

L’hilarité devint générale et déjà un commandant russe entamait le récit d’une anecdote analogue sur le général Khroulef, lorsque soudain les rires se figèrent sur toutes les figures, qui reprirent instantanément le sérieux des relations de service.

En même temps, le narrateur s’arrêta net.

Très surpris, Henri Cardignac se demandait quelle était la cause de ce brusque revirement, lorsque, suivant la direction du regard de ses interlocuteurs, il aperçut, se dirigeant de leur côté, un officier à tunique rouge.

C’était un officier anglais.

— Nous vous quittons, dit le colonel de Korf ; bonne chance, commandant !…

Et, à mi-voix, il ajouta :

— Veuillez nous excuser ; nous évitons tout rapport avec les Anglais ; nos vrais, nos seuls ennemis, ce sont eux, et peut-être un jour, fit-il plus bas encore, vous apercevrez-vous qu’ils sont aussi les vôtres.

La prophétie s’est réalisée, mes enfants !

En annonçant à Mohilof que Jean pouvait arriver d’un jour à l’autre, Henri ne se trompait pas ; quelques jours après, c’est-à-dire dans les premiers jours de mai, il recevait une lettre de son frère ainsi conçue :


« Mon cher Henri,

« Je prends le premier courrier pour te rejoindre ; je suis chargé, par l’Empereur, d’amener au général Pélissier les « premières pièces rayées de siège » fondues à Bourges ; elles arriveront encore à temps, je l’espère, pour le bombardement de Malakoff qui, paraît-il, va être mené avec un redoublement de vigueur. Tu verras les effets de nos nouveaux obus à ailettes.

« Mais j’apporte aussi, tu ne devinerais pas quoi : huit cents boucliers ;