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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/315

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Avec cet instinct divinatoire de certains mourants, Henri Cardignac avait senti s’approcher Lucienne Bertigny.

Il ne l’avait pas revue depuis son arrivée en Crimée : il savait que Pierre l’avait retrouvée à l’ambulance du Clocheton ; mais au mutisme de ce dernier, il avait deviné que sœur Marie-Agnès avait recommandé le silence à son frère et il n’avait osé reparler d’elle.

En effet, elle avait répété à Pierre :

— J’irai, mais seulement lorsqu’il aura besoin de moi : ce jour-là, viens m’appeler.
Pierre avait retrouvé Lucienne à l’ambulance du Clocheton.

Et maintenant le jour était venu où ces deux êtres, dignes l’un de l’autre, recevaient de la mort même, qui purifie tout, la permission de se revoir.

Elle s’avança aussi pâle que lui, belle de la beauté des vierges et des anges, et leurs regards se croisèrent.

— Merci, dit-il… oh ! merci !

Sa main pendait le long du lit, elle la prit et s’agenouilla ; puis elle posa chastement son front sur cette main, obéissant à son instinctif besoin de charité, et sentant dans les mystérieuses profondeurs de son cœur de