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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/329

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c’était le nom du bâtiment, nom que l’on retrouve fréquent dans la marine de commerce italienne, car les marins y ont le culte de la Vierge, et nombreux sont ceux qui lui vouent leurs bâtiments. La Stella était un navire à voiles.

Les soldats et officiers sardes, embarqués sur le transport, avaient organisé, dans l’entrepont d’arrière, une sorte de chapelle ardente, où, à tour de rôle, ils venaient jeter de l’eau bénite et prier à haute voix, suivant la coutume de leur pays.

Ils entouraient d’une chaude sympathie Pierre Bertigny et sa sœur, et le vieux capitaine Renucci en particulier s’était fait, dès les premiers jours, un ami du jeune homme.

Il l’avait d’ailleurs vivement intéressé en lui racontant son aventureuse histoire, et en le mettant au courant d’une situation politique dont Pierre n’avait pas la moindre idée ; car, s’il connaissait à la rigueur son histoire de France, il ignorait d’une façon presque absolue l’histoire des autres pays de l’Europe.

Méfiez-vous, mes enfants, de cette ignorance, assez commune dans les générations d’aujourd’hui. On s’imagine connaître l’histoire parce qu’on sait à peu près celle de son pays ; que d’enseignements il y a cependant à puiser dans l’histoire générale du monde, et combien il est préférable de la connaître dans ses grandes lignes que de posséder, à fond les menus détails de la vie politique et militaire d’un seul peuple !

Ce fut un soir, sur la passerelle, que le vieil officier raconta à son jeune ami les souffrances et les angoisses de l’Italie morcelée, gémissant sous le joug autrichien, et les douloureux accents du patriote lombard éveillèrent aussitôt dans l’âme ardente de Pierre de chaleureux échos.

— Oui, dit le capitaine, depuis la mort de votre grand Empereur, Napoléon ier, depuis les funestes traités de 1815, notre cher pays, divisé en plusieurs tronçons, essaye en vain de reconquérir son unité : l’Autriche y possède la Lombardie et la Vénétie, en dépit du principe des nationalités, et elle maintient dans nos provinces de sang latin le joug allemand le plus insupportable. Ce n’est pas tout : son action s’étend chaque jour, depuis six ans ses archiducs règnent en Toscane et dans le duché de Modène, ses troupes occupent les duchés de Parme et de Plaisance et même les Légations romaines. Le roi de Naples est son allié dévoué ; seul, mon pays d’adoption, notre cher Piémont, a conservé l’indépendance.