Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/386

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— Il est inutile de songer à en faire un soldat : il vaut mieux lui apprendre un métier manuel.

— Lequel ?

Nous avons le temps d’y penser, et d’ailleurs, mettons-le, quand il aura l’âge voulu, dans une école d’Arts et Métiers : il s’orientera de lui-même vers la branche qui lui conviendra le mieux.


En 1861, Jean Cardignac reçut sa nomination de colonel, et comme l’étude du nouveau matériel de siège rayé était suffisamment avancée pour qu’il quittât son emploi technique au « cabinet » de l’Empereur, il demanda et obtint la faveur la plus enviée par un colonel, le commandement d’un régiment.

L’Empereur lui donna le régiment d’artillerie de Vincennes ; mais en l’engageant, avec sa bienveillance habituelle, à ne pas déserter les Tuileries. Aussi Jean Cardignac ne manquait-il pas de passer chaque semaine au « cabinet » de l’Empereur, et ne fut-il pas surpris lorsque, au mois de novembre 1861, l’officier qui s’y trouvait de service lui apprit que l’Empereur désirait le voir.

On l’introduisit dans une pièce voisine de celle où il avait été reçu maintes fois, jadis, par le souverain penché sur les épures du nouveau canon rayé, et son étonnement fut profond en se trouvant en présence, non seulement de l’Empereur, mais encore de l’Impératrice.

Il s’inclina profondément et baisa respectueusement, suivant l’usage, la main que lui tendait la souveraine.

Quelle communication pouvait avoir à lui faire Napoléon III, et pourquoi avait-il jugé nécessaire la présence de l’Impératrice à cette entrevue ?

Ce fut elle qui prit la parole :

— Colonel, dit-elle d’une voix musicale, en enveloppant l’officier d’un sourire gracieux, l’Empereur désire vous donner une mission de confiance, et comme cette mission a pour objet une expédition qui me tient fort à cœur personnellement, j’ai tenu à vous en faire part moi-même.

Jean Cardignac s’inclina de nouveau ; son étonnement redoublait.

L’Impératrice reprit :

— Il s’agit d’un pays merveilleux, dont un coup d’audace peut faire, en quelques mois, une colonie magnifique ; d’un pays qui fut jadis espagnol