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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/399

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CHAPITRE XVII

l’année terrible


Le 11 août 1870, le colonel Cardignac, Valentine et Georges étaient réunis autour de la table de famille, dans la Villa des Tilleuls au Havre. Le colonel lisait un journal en tortillant fiévreusement sa moustache, et sa femme, tout en travaillant à un écran brodé commencé depuis longtemps, l’examinait à la dérobée, une lueur d’angoisse dans ses beaux yeux.

Georges, lui aussi, avait sous les yeux un certain nombre de feuillets couverts d’une large écriture ; mais rêveur, il ne lisait plus, et, le regard perdu dans l’ombre de la pièce, il avait une physionomie sérieuse qui contrastait avec son apparence de blondin rose épanoui.

Il venait d’atteindre seize ans, et, au mois d’avril précédent, avait « décroché » à la Faculté de Paris le fameux diplôme de bachelier es lettres qu’on passait alors en une seule fois ; c’était un beau succès dont il avait été chaudement félicité, d’autant plus chaudement qu’à vrai dire, ses parents et ses professeurs n’avaient pas espéré qu’il pût ainsi réussir du premier coup.

Cette première épreuve franchie, il allait tenter, l’année suivante, après une année de mathématiques élémentaires, le baccalauréat es sciences, et atteindrait ainsi, dans de bonnes conditions, l’âge de dix-huit ans, imposé comme un minimum aux candidats de Saint-Cyr.

La guerre venait d’interrompre la mise en œuvre de ce programme, imposé par le colonel. Le lycée Saint-Louis avait, comme tous les lycées de