Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car, pour eux, cette sinistre éventualité n’était plus qu’une question d’heures. D’Assigny avait d’ailleurs commencé par prévenir ses compagnons, en leur déclarant que ce qu’il connaissait des mœurs arabes lui interdisait, pour sa part, toute espérance de salut, à moins d’un miracle.

— Bah ! commandant, avait répondu Henri, moi, je ne désespère pas !… Les miracles ?… mais il en pleut !… La vie entière de mon père n’est en quelque sorte qu’une longue suite de miracles !… En tous cas, pour ma part, je ne me laisserai pas décapiter sans crier gare : je saute sur le bourreau et je l’étrangle. Au moins, je tomberai en combattant.

— Le lieutenant il afre raison ! ponctua Goelder.

— Je ne puis vous donner tort, mon cher Cardignac, reprit le commandant. Enfin, attendons !… qui vivra verra ! et à la grâce de Dieu !

Trois jours s’écoulèrent ainsi dans une mortelle attente. Lakdar n’avait pas reparu.

Deux fois par jour, un noir apportait aux captifs leur nourriture, composée de couscous, et de galettes desséchées de maïs ; il renouvelait l’eau dans une jarre de terre et disparaissait sans dire un seul mot.

Le soir du deuxième jour, le quartier-maître Muttin avait été saisi d’une fièvre intense, résultat de sa blessure. Le malheureux, étendu sur le sol, grelottait.

Quant à Goelder, l’aiguille qui lui avait traversé la cuisse avait produit une plaie pénétrante qui s’était enflammée, et le vieux sous-officier en souffrait cruellement ; à peine pouvait-il marcher.

On fit l’impossible pour les soigner, pour calmer leur souffrance ; mais les médicaments manquaient. Aussi de Nessy — qui s’était improvisé médecin — ne pouvait-il atténuer que bien faiblement le mal qui semblait empirer d’heure en heure.

Enfin, le troisième jour, un bruit d’armes et de chevaux retentit au dehors, et la porte de la prison s’ouvrit.

Un Turc, à l’uniforme couvert de passementeries, parut et adressa aux reclus un ordre qu’ils ne comprirent que par son geste.

On partait !

Une escorte de cavaliers attendait : cependant Lakdar n’était toujours pas là.

En silence, entourés d’Arabes, sabre nu, les prisonniers se mirent en