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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/426

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prussien le poursuivit, galopa à côté de lui jusqu’à la route de Rezonville et faillit le faire prisonnier ; ce fut le 3e bataillon de chasseurs à pied qui le sauva.

Que fût-il arrivé si ce sous-officier avait réussi à prendre ou à tuer le chef misérable qui déjà complotait la livraison de son armée et la trahison de sa patrie ? Nul ne le sait ; mais comme le commandement fût passé par là même aux mains du vaillant Canrobert, on peut être sûr que ce grand soldat, dont le nom était synonyme de loyauté et d’honneur, n’aurait jamais signé la capitulation de Metz.

C’est ainsi, vous le voyez, qu’à certaines heures de l’histoire, les destinées d’un pays tiennent quelquefois tout entières entre les mains d’un soldat obscur.

À quatre heures du soir, le Maréchal Bazaine donnait l’ordre au Maréchal Canrobert d’arrêter son mouvement en avant. C’était l’heure où les Allemands épuisés, manquant de munitions, commençaient à plier ; où leurs batteries ne tiraient plus ; où la 6e division prussienne, démunie de cartouches, battait en retraite au pas de course ; où s’offrait en un mot l’occasion unique de faire expier à l’ennemi son audacieux mouvement d’enveloppement.

Encore une fois, Bazaine arrêta tout, donna au 10e Corps prussien le temps d’arriver et au Prince Frédéric-Charles celui d’accourir à franc-étrier de Pont-à-Mousson, et de diriger la bataille.

En vain, nos soldats frémissent d’impatience ; en vain la division de Cissey, quoique marchant depuis le matin par une chaleur torride, écrase complètement dans le ravin de Mars-la-Tour la brigade Wedell[1], l’action reste indécise et un effroyable engagement de cavalerie, célèbre dans les annales de la guerre, termine cette lutte où trente-trois mille hommes, la population d’une ville, sont tombés de part et d’autre.

Le colonel Cardignac fut témoin du désespoir du maréchal Canrobert, lorsqu’il fut obligé de s’arrêter en plein succès, et de sa colère lorsque, le lendemain, il reçut l’ordre de se replier sur Metz.

La journée du 17 se passa à exécuter ce mouvement de repli sur le camp

  1. C’est dans le cours de cette lutte si chaude, que fut pris l’un des trois drapeaux du 16e régiment prussien, par le sous-lieutenant Chabal, du 57e de ligne. Il est aujourd’hui suspendu à la voûte des Invalides, « plus précieux certainement à lui seul, dit le commandant Rousset, que les quarante-cinq drapeaux livrés, le 27 octobre suivant, à l’ennemi, par un soldat indigne ».