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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/69

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se montrer dans la rue ; car qui sait si la fatalité n’eût pas amené le père et le fils face à face, dans un de ces affreux combats de barricades ?

Ah ! mes enfants, quelle horrible chose que la guerre civile, et combien je vous engage à prier Dieu pour qu’il l’évite désormais à notre pays.

Par bonheur, les craintes du colonel Cardignac n’étaient pas fondées : Jean n’eut pas à donner dans ces journées baptisées les Trois Glorieuses, mais son père ne le sut qu’après et passa ainsi ces longues heures dans une inquiétude mortelle.

Ne voulant pas combattre ses anciens compagnons d’armes, il quitta Paris après avoir constaté avec joie que le mouvement révolutionnaire entraînait tout, et que le drapeau tricolore flottait sur la capitale.

De sa maison de Saint-Cyr, il vit passer les carrosses de la Cour : ils contenaient Charles x et sa famille, quittant précipitamment le château de Saint-Cloud. Des troupes escortaient le vieux roi, dans cette première étape de sa fuite, étape qui se termina au château de Rambouillet.

De là, quelques jours plus tard, le monarque déchu, accompagné seulement de quelques fidèles, fuyait jusqu’à Cherbourg et s’embarquait pour l’Angleterre.

La dynastie des Bourbons était morte !

Sous le nom de Louis-Philippe Ier, le duc d’Orléans fut proclamé roi des Français.

Vous voyez, mes enfants, que les efforts de ceux qui avaient conspiré pour renverser les Bourbons n’avaient pas amené les résultats espérés par la plupart d’entre eux : ni la République, ni l’Empire ne sortaient de cette courte et victorieuse révolution : aussi Louis-Philippe conserva-t-il bien des ennemis, parmi ceux qui gardaient leur culte pour les anciens souvenirs de la Révolution et de l’Empire.

Pourtant, bon nombre de Français se rallièrent sans arrière-pensée au choix du duc d’Orléans, parce qu’ils se souvenaient que le nouveau roi avait jadis servi la France, à l’heure de nos plus grands dangers : ils se souvenaient surtout qu’il avait chargé à Valmy, aux côtés de Kellermann.

Le colonel Cardignac était de ceux-là : il n’avait d’ailleurs — car sa mémoire était restée très fidèle — qu’à consulter les souvenirs de Jean Tapin pour revoir le jeune duc au milieu des boulets, près De la Butte du Moulin.