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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/71

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souvenir me donnait du courage, et j’étais déterminé à tenter l’impossible pour vous revoir.

« Comme nous ne sortions jamais de notre cellule, il nous était impossible de nous rendre compte, de visu, de ce qui se passait. Nous en étions réduits à faire des conjectures, d’après le bruit du canon et de la fusillade, qui semblait se rapprocher.

« Lakdar — encore disparu pendant deux jours — revint ; ce nous fut une grande joie, car, à dater de son retour, le brave garçon qui ne nous quittait plus guère, nous tint au courant des événements.

« C’est ainsi que nous apprîmes la marche en avant des nôtres, et les combats, victorieux pour nous, de Sidi-Khalef et de Staouëli.

« Enfin, le 30 juin, nos troupes étaient en vue d’Alger.

« Dès ce moment, je remarquai que Lakdar surveillait de très près l’attitude de Mokran. Celui-ci commençait en effet — malgré, ou peut-être à cause de ses fréquentes débauches de haschich — à nous regarder d’un air singulièrement inquiétant ; une sorte d’égarement, d’hallucination féroce dilatait sa prunelle.

« Le 1er juillet, nous apprîmes, par l’ancien mameluk, qu’après un vif engagement, nos soldats étaient en train de construire cinq batteries sous le feu même du Château de l’Empereur (en turc : Sultan-Khalassi), qui nous servait de prison.

« Du reste, même sans ce renseignement, nous n’eussions pas eu grand peine à deviner la proximité des nôtres, car les vieilles, mais solides murailles de notre cachot, tremblaient sous les détonations des pièces turques qui tiraient de la plate-forme, juste au-dessus de nos têtes.

« Il était évident, pour nous tous, que le sort d’Alger allait se décider tout près de nous. J’avais d’ailleurs remarqué, en arrivant en vue de la ville barbaresque, qu’elle était dominée et commandée par le Château de l’Empereur, et l’attention de notre général en chef devait nécessairement se porter sur ce point, clef de la défense et réduit de toutes les positions qui avoisinaient la Kasbah. Tout l’effort de nos artilleurs et de leurs pièces de siège allait donc converger sur les murailles qui nous recouvraient, et le vacarme commença, terrible, assourdissant, énervant au plus haut point.

« Car il n’y a pas à dire : c’est une fichue situation que de se sentir prisonnier, dans un ouvrage ennemi, exposé au feu des batteries amies. Toi-