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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/90

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enfin, écharpés eux-mêmes, pris aux naseaux, à la crinière, par des mains crispées…

Les officiers réussirent pourtant à mettre un peu d’ordre dans cette cohue : on forma des carrés qui tinrent tête aux assaillants, pendant que le convoi, enlevant les blessés, s’éloignait péniblement à travers le terrain marécageux.

Puis un bataillon de « zéphyrs » fonça sur les Arabes et les repoussa ; le général, profitant de cette accalmie, commença la retraite.

Mais, hélas ! un retour offensif des cavaliers ennemis vint envelopper à nouveau la colonne qui rétrogradait.

Cette fois, ce fut abominable.

Cardignac, avec ses spahis, et le capitaine Riou avec ses chasseurs d’Afrique, couvraient le convoi des blessés. Pour sauver ces malheureux, il fallait des prodiges ; tous deux les accomplirent. Par leur attitude, par leur exemple, ils firent si bien que leurs hommes les imitèrent et soutinrent le choc pendant un bon moment.

Mais, sous l’effort de toute cette cavalerie, déchaînée comme un orage, des trouées se produisirent, et soudain les appels déchirants qui arrivaient du convoi firent comprendre à Henri que l’ennemi massacrait les blessés.

Alors une fureur l’empoigna. Sous ses coups d’éperon, son cheval sembla voler au-dessus du sol ; le sabre rougi que le jeune homme brandissait sembla dans sa main quelque chose d’irréel, tant ses moulinets étaient rapides. Hachant, sabrant, il parvint ainsi jusqu’aux voitures ; Goelder le suivait de près avec quelques spahis, et les Arabes intimidés rompirent.

Mais, à ce moment, les conducteurs du train, affolés, voulurent s’enfuir !

Leur chef, le maréchal des logis Fournié (son nom appartient à l’histoire), les menaça de les tuer s’ils lâchaient pied. Cardignac, pour l’exemple, fendit le crâne à l’un de ces poltrons. Devant cet acte de sauvage énergie, les autres obéirent.

Le convoi, moins les malheureux blessés achevés par l’ennemi, put enfin se remettre en marche, grâce à l’infanterie que le commandant de Maussion avait réussi, tant bien que mal, à reformer. On marcha alors pendant quatorze heures, sans cesse harcelés par les troupes d’Abd-el-Kader, et on finit par atteindre Arzew.

Hélas ! quand on fit l’appel, il y avait deux cent quatre-vingts man-