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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/161

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— Georges Cardignac : 2e compagnie, jeta le petit tambour à l’entrée de la salle :

— Matriculé 3386 ! clama aussitôt un scribe penché sur un énorme registre.

Et un adjudant, venant prendre le nouveau venu, le conduisit à un officier qu’il salua militairement.

C’était le nouveau capitaine de Georges, un homme très jeune encore, mais à la physionomie énergique et expressive, aux yeux scrutateurs et profonds.

Il tira un carnet de sa poche et interrogea son nouvel élève.

Quand il eut noté son nom, ses titres universitaires, son âge et quelques autres renseignements de même nature :

— Quelle arme choisissez-vous, demanda-t-il ? Infanterie ou cavalerie !

— L’infanterie de marine, mon capitaine.

L’officier resta une minute interloqué : celui-là était le premier qui manifestât semblable préférence. À cette époque, mes enfants, l’infanterie de marine, si recherchée aujourd’hui, était l’apanage des derniers d’une promotion. N’y entraient guère que ceux qui ne pouvaient faire autrement, et vous en comprendrez facilement la raison : la France, saignante encore de sa blessure récente de 1870, ne songeait qu’à reconquérir un jour ses provinces perdues, et nullement à se tailler l’empire colonial énorme que vous lui voyez aujourd’hui.

Mais en regardant mieux, le capitaine Manitrez — c’était le nom du commandant de la 2e compagnie — découvrit, à la boutonnière du jeune homme, le très mince ruban jaune et vert qu’il portait discrètement.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? fit-il.

— La médaille militaire, mon capitaine.

— Où donc l’avez-vous gagnée ?

— À l’attaque de Montbéliard, mon capitaine.

— Vous étiez à l’armée de l’Est ?

— Oui, mon capitaine.

— Vous avez été blessé ?

— Deux fois : à Dijon et à Montbéliard.

L’étonnement de l’officier redoubla !

— Mais quel âge aviez-vous donc alors ?

— Seize ans, mon capitaine.