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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/165

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— Je m’y efforcerai, mon capitaine, répondit Georges très ému ; mais…

Et comme il n’achevait pas sa phrase.

— Que redoutez-vous donc ? fit, avec un sourire bienveillant, le capitaine Manitrez.

— C’est que, mon capitaine, je ne suis guère fort en mathématiques.

— Qu’à cela ne tienne ; elles n’occupent pas grand’place dans les programmes de l’École : on en demande à l’entrée, mais ce qu’il vous faut ici, c’est de l’énergie et de la vigueur physique, de la mémoire, des aptitudes pour le dessin et surtout une grande régularité de travail. Je ne vous connais pas encore, mais je suis bien sûr que vous avez toutes ces qualités-là, et, avec elles, une autre qui les rehausse toutes : la modestie.

Ce fut sous ces auspices que Georges fit son entrée à Saint-Cyr, et il était encore sous l’impression des paroles bienveillantes de celui qui allait être son premier chef, lorsqu’il se trouva enveloppé d’un vaste peignoir blanc.

Un sergent venait de le remettre entre les mains du capitaine Bull !

Ainsi appelle-t-on à Saint-Cyr l’excellent homme dont le nom véritable est Gachet ; et qui, toujours vivant, toujours en exercice, et coiffeur de l’École depuis quarante-cinq ans à l’heure où j’écris ces lignes, a vu passer sous sa tondeuse plus de quinze mille officiers.

En quelques minutes, le capitaine Bull avait transformé la tête de notre jeune ami en une véritable coquille d’œuf.

Après quoi, Georges passa entre dix mains différentes pour l’essayage de ses effets. Il revêtit le pantalon d’ordonnance, rouge garance à bande bleue, la petite veste à une rangée de boutons, le képi garance à turban et passepoils également bleu de ciel : c’était la tenue d’intérieur.

Puis, chaussé de lourdes et larges demi-bottes, il reçut à la volée, d’un premier sergent, un pompon, un plumet dans son étui, une paire d’épaulettes en laine écarlate, deux cols d’uniforme, une ceinture de gymnastique et des effets d’astique.

On appelle ainsi les vêtements de treillis qui permettent au Saint-Cyrien de procéder, sans salir ses vêtements de drap, à tous les nettoyages et « astiquages » de la matinée.

Comme il était là, embarrassé par tous ces objets, un second sergent l’appela, et, avec la même rapidité lui expédia : huit chemises, six caleçons,