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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/187

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vrir son lit, s’habiller en toute hâte et descendre ; les escaliers sont noirs de recrues qui se bousculent, mettant fiévreusement leurs derniers boutons.

Cinq heures huit. Trois coups de baguette et l’appel se fait à l’Étude. Puis silence général dans l’École : c’est l’heure où l’on prépare ses « colles »[1], où l’on étudie sa théorie ; c’est aussi l’heure où les uns vont à la salle d’escrime, les autres au manège, ceux-ci aux douches, ceux-là au gymnase ; et le gymnase à cinq heures et demie du matin, en hiver, sous la dure clarté des lampes électriques, avec les agrès qui collent aux mains. je ne vous dis que cela !…

À sept heures, nouveau roulement : la dégringolade au réfectoire est plus rapide encore que celle du réveil ; car il s’agit, en cinq minutes, de prendre son café, et de remonter dans les dortoirs pour l’importante opération de « l’astique ».

Pauvre café ! de quel œil d’envie les melons regardent les anciens, sirotant doucement le leur, assis tranquillement. Eux ont le droit de rester debout, de l’avaler d’un trait, de se brûler s’il est chaud, et de s’engouffrer dans les escaliers en emportant leur pain.

Bah ! dans un an on imitera les anciens !

— Allumez[2], les hommes !

C’est le cri ininterrompu : partout on l’entend rugir.

La tenue d’astiqué, c’est-à-dire le pantalon et la veste de coutil arborés, le melon se livre alors au dortoir à une orgie de nettoyage qui lui met rapidement la sueur au front, en janvier, dans les chambres les plus dénuées de poêles.

Lorsqu’il a fait, et quelquefois refait, suivant l’humeur de son sergent, un lit et une case acceptables, il doit procéder à la toilette de son fusil, à la mise au point de tous ses cuirs, au cirage de ses bottes dont les semelles aussi noires et aussi brillantes que les empeignes, doivent permettre à un ancien de se mirer à l’aise. Les premiers jours, lorsqu’il a exécuté le quart de toutes ces opérations, le fatal roulement retentit, l’avertissant qu’il n’a plus que quelques minutes avant l’inspection du lieutenant de semaine. Alors l’affolement devient du délire : il s’habille de travers, entasse dans sa case et dans son bahut, au hasard, tout ce qui

  1. Interrogations des officiers professeurs : il y en a au moins une par semaine.
  2. Allumer, se hâter, courir.