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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/264

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qu’il n’en avait l’intention, et se trouve-t-il aujourd’hui à une distance telle dans l’intérieur qu’il ne puisse donner de ses nouvelles ? C’est peu probable ; les messagers nègres parcourent d’énormes distances en courant, et l’un d’eux serait déjà revenu à Kita. Or nous avons le télégraphe avec Bafoulabé, qui est à quatre jours de marche seulement de Kita, et je serais déjà avisé de l’arrivée d’un messager.

— Vous dites qu’il s’est dirigé du côté du Niger ?

— Oui ; c’est le troisième voyage qu’il accomplissait de ce côté, et, dans le dernier, il avait poussé au nord de Bammakou ; cette fois-ci, il est parti vers le sud, du côté du Ouassoulou, où commande un certain Samory : le résultat était tentant, car on lui avait signalé une forêt de caoutchouc sur la rive droite du Niger, dans la région de Kénira qui s’étend entre le Baoulé et le Niger. Orle caoutchouc est, en ce moment, un de nos articles d’exportation les plus demandés. M. Ramblot a donc pensé qu’il pouvait beaucoup risquer pour beaucoup gagner.

— Le Ouassoulou, cette région dont vous parlez et où règne Samory, a-t-il reconnu notre influence ?

— Non ; tout ce qui est de l’autre côté du Niger nous échappe complètement ; je crois qu’une mission a été envoyée à Samory l’an dernier, et que ce potentat noir a reconnu le protectorat français ; mais ce n’est là qu’une garantie illusoire et cela n’empêche pas les razzias d’esclaves de se pratiquer journellement dans toute la région.

— Vraiment, reprit Georges Cardignac, dont l’anxiété allait croissant, vous craignez que M. Ramblot n’ait été enlevé par des marchands d’esclaves ?

— Tout est possible, et je suis dans l’angoisse la plus vive ; aussi je vais de ce pas trouver le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes ; lui seul peut exercer une action quelconque à pareille distance.

— Je vais avec vous, dit soudain Georges Cardignac.

Et dans cet élan qui le poussait à s’intéresser plus qu’il ne l’aurait cru lui-même, à cette famille perdue de vue depuis dix ans, il y avait comme une secrète divination des joies et des affections qui devaient plus tard le payer de ses efforts et de ses fatigues.

Le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes connaissait beaucoup M. d’Anthonay, et l’estimait comme un des Français dont il était de l’intérêt de la