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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/286

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Quand les porteurs furent recrutés et les charges réparties, il appela son sous-lieutenant.

— Mon cher Cardignac, lui dit-il, une autre corvée vous incombe encore et toujours, parce qu’il est d’usage qu’elle incombe au plus jeune ; ce convoi avec ses trois cent cinquante porteurs et ses soixante ânes, c’est vous qui en avez le commandement. Lourde besogne et grosse responsabilité, je le sais ; mais je vous connais, elles ne vous effraieront pas. Je vous donne comme arrière-garde, pour escorter le convoi et avoir l’œil sur les porteurs, vingt-cinq hommes que je remplacerai à Kita par des tirailleurs. Vous avez à surveiller leur départ et leur mise en marche le matin au réveil, ce qui n’est pas une petite affaire, car dans ces sentiers à peine frayés ils ne peuvent marcher qu’à la file indienne ; et, comme ils ignorent ce que veut dire l’observation des distances, ils s’espaceront souvent sur deux ou trois kilomètres de longueur ; il faudra pousser les traînards, rattraper ou remplacer les déserteurs, faire ranger les charges au camp le soir en arrivant ; exercer une surveillance de tous les instants… Voilà votre besogne, peut-être pendant deux ou trois mois. En considération de cette corvée, je vous décharge du soin de la popote que va prendre votre camarade Flandin.

Flandin était le lieutenant de la compagnie. C’était un taciturne dont l’estomac était délabré par dix ans de colonies ; il avait gagné tous ses grades dans l’infanterie de marine et jalousait un peu son jeune camarade Saint-Cyrien, arrivé officier à un âge où lui-même était à peine sergent. Mais il était précieux par sa connaissance des dialectes sénégalais, son expérience de la troupe et de la vie en colonne. Le capitaine Cassaigne devait lui donner, à Kita, le commandement des tirailleurs noirs que s’occupait de recruter le commandant du poste.

Le Père blanc, que nous avons vu sur le Faidherbe, accompagnait la colonne ; il se dirigeait en effet vers le pays des Mandings, où une mission catholique était parvenue à s’installer, et il devait quitter la colonne à Kita pour se diriger vers le sud. Il montait un petit mulet de La Plata et était suivi de deux noirs, portant, avec ses bagages personnels, d’ailleurs très rudimentaires, certains objets du culte qui lui permirent de dire la messe en plein air, le lendemain du départ.

Enfin M. d’Anthonay, autorisé à suivre la colonne, s’était organisé une petite caravane personnelle, composée d’un interprète et de dix Kassonkés,