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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/36

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pendant le cours de cette évasion difficile, ils étaient tombés sur une forte patrouille de cavalerie allemande. Obligés de se jeter sous bois, la poursuite ardente dont ils avaient été l’objet les avait séparés.

Pierre Bertigny avait néanmoins réussi à gagner la Belgique ; puis il était rentré seul en France, et avait touché au Havre avant d’aller se mettre à la disposition du gouvernement de la Défense nationale.

Mais, hélas ! en ce qui concernait Georges, il ne pouvait apporter à la malheureuse Mme Cardignac que le doute, le doute obsédant… plus douloureux encore qu’une certitude… si cruelle fût-elle !

Qu’était-il devenu, le pauvre enfant ?

Prisonnier ? Qui sait ? Tué peut-être ?… ou fusillé, comme tant d’autres le furent en cette période terrible ?…

Il y avait là, vous le voyez mes enfants, de quoi jeter la pauvre femme dans le plus amer désespoir.

Aussi, avant de repartir pour l’armée, Pierre avait insisté auprès de Mme Cardignac pour lui faire quitter le Havre, afin de la soustraire aux souvenirs lancinants que ravivait en elle le contact de toute sa maison, encore imprégnée du souvenir des deux disparus !

Elle avait fini par céder, et, accompagnée de Margarita et du jeune Mohiloff, la mère désolée était venue se réfugier justement à Champ-Moron, dans la jolie petite villa enfouie dans un ravin boisé ; et là, depuis deux mois, elle se consumait dans sa douleur.

Quant à notre nouveau camarade et ami Paul, s’il était à Dijon, c’est que son père, retraité peu avant la guerre, avait, lui aussi, repris du service à l’appel de la France en danger ; et que, ne voulant pas laisser ce grand garçon indocile, au tempérament ardent, sans une direction ferme, le médecin major l’avait confié aux soins de son frère, professeur au lycée de Dijon.

Le gamin avait donc quitté sa mère, qui était restée seule à Chinon, pendant que son mari prenait part, en qualité de médecin-major, aux opérations de l’armée de la Loire.

Vous voyez donc, mes enfants, que les liens d’amitié qui unissaient Paul à Georges Cardignac étaient des plus étroits.

— Oh !… c’est Georges !

Ce cri, échappé au lycéen en reconnaissant son camarade, avait jailli de