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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/396

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Vous peindre les effusions qui eurent lieu entre sauveurs et sauvés, ce jour-là, est chose impossible : les officiers s’embrassaient, les soldats dansaient, les clairons lançaient aux échos leurs notes les plus gaies : une joie sans mélange dilatait tous les cœurs.

— Vive les marsouins ! criaient les légionnaires.

— Vive la légion ! répondaient les marsouins.

Et bras dessus bras dessous, ils parcouraient le terrain bouleversé par les explosions, se montrant les entonnoirs et les brèches, et aussi la canonnière Mitrailleuse qui, pendant ce long siège, n’avait pas quitté son poste de combat au milieu de la rivière Claire et avait contribué puissamment à la défense.

Soudain, au milieu des rangs confondus, deux officiers, deux lieutenants, poussèrent ensemble le même cri de joie et se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Cardignac !

— Andrit !

— Toi ici ?

— Quel bonheur !

Et les deux camarades de promotion s’embrassèrent de nouveau.

— Tu n’as donc pas reçu ma lettre, demanda le petit Andrit : je t’annonçais pourtant mon arrivée au Tonkin à la fin de novembre.

— Je n’ai rien reçu : décidément la poste est bien mal faite ; depuis quand es-tu à Tuyen-Quan ?

— J’y suis arrivé avec la colonne de renforts, la dernière qui ait pénétré dans la place, et comme nous avons été coupés de suite du reste du monde, je n’ai pu te faire savoir que j’étais ici.

— Et le Congo, tu l’as donc lâché ?

— Oui, M. de Brazza est un pacifique : avec lui pas de coups de fusil à tirer ; il procède par persuasion et il nous transformait tout doucement en explorateurs et en diplomates. Le métier m’a plu quelque temps ; mais, tu sais, j’ai le tempérament batailleur ; j’aime le changement, et, en apprenant qu’on se battait par ici, surtout que tu y étais, j’ai fait demandes sur demandes pour y être envoyé.

— Et du premier coup tu tombes dans un véritable champ de lauriers ! Veinard, va !