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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/143

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Mais déjà il était trop tard : les musulmans du Bornou et du Baghirmi s’étaient répandus vers le Sud et avaient converti à l’islamisme les Pahouins, les Batékés, les Apfourous, les Baloumhos et les Mayombés soumis à notre protectorat.

Le marabout qui les avait guidés, Hadj-Bechir, s’était acquis, en peu de temps, une influence extraordinaire au milieu de ces peuplades primitives ; il était de la secte des Senoussis, et on citait de lui des traits de fanatisme et de férocité extraordinaires.

Pour lui, tout chrétien était un ennemi, vis-à-vis duquel tous les moyens de suppression étaient permis, et comme le hasard le mettait à la tête des peuplades les plus cruelles de l’Afrique équatoriale, il devait laisser, derrière lui, de larges traces de sang.

Parmi les peuplades qui composaient son armée, les Pahouins tenaient le premier rang.

Depuis le milieu du XIX° siècle leur nombre avait triplé, non seulement par l’effet d’une constante immigration, mais aussi grâce à l’excédent des naissances ; leurs femmes se mariant plus tardivement, étaient plus fécondes que les femmes des tribus voisines[1] ; ils avaient atteint le chiffre de quinze cent mille et réunissaient une armée de 120.000 guerriers, les plus renommés de cette partie de l’Afrique.

Les naturels, sur lesquels ils exerçaient leur domination, leur avaient donné le nom de « Fans », qui signifient : les « Hommes », pour marquer qu’à leurs yeux ils étaient, par leur courage, leur force et leur industrie, les premiers des humains.

D’après les traditions, ils étaient des descendants des cruels Djagga, qui dévastèrent le bassin du Congo au XVII° siècle, et les anthropologistes prétendent qu’ils appartenaient à la race Niam-Niam, du pays des rivières et des régions du haut Ouellé qui formaient, avec les Monbouttous, l’un des corps principaux de l’armée du sultan.

Séparés dés Niam-Niam, par un espace de 1.500 kilomètres, ils en avaient la stature, les traits réguliers, l’attitude fière et la nuance de peau ; comme eux, ils se limaient les incisives en pointe, tressaient leur chevelure, se cou-

  1. Élysée Reclus.