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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/170

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Dès lors, pourquoi ne se laisserait-il pas aller à cette passion nouvelle qui avait pris à la fois son cœur et ses sens, et distillait chaque jour, en lui, le parfum subtil du désir ?

Il avait bien essayé d’un autre raisonnement :

Cette Nedjma ne pouvait-elle s’ajouter à toutes celles qu’il avait connues avant de rencontrer Christiane ? Ne pouvait-il l’assimiler à ces jolies filles des Ouled-Naïl qu’il allait voir danser, le soir, à Laghouat, et qu’on emmenait joyeusement dans l’oasis, sous le dôme de verdure des palmiers, par les lourdes soirées d’été ?

Mais il n’avait pu s’arrêter un instant à cette comparaison. Non, cet amour soudain que la jeune Arabe avait infiltré dans son être avec le plus pur de son sang joyeusement répandu, cette union de leurs âmes à une heure qu’il croyait la dernière, n’était pas le caprice de rencontre qu’on satisfait et qu’on oublie.

Nedjma n’était pas de celles qu’on prend et qu’on laisse.

Et bien qu’il se sentît maître d’elle à toute heure, bien que la nature franche et primitive de la jeune Mauresque lui fût une garantie qu’elle ne se refuserait jamais à lui, il n’avait pas voulu en faire sa chose, parce qu’il se fût engagé vis-à-vis d’elle, ce jour-là, par les liens de l’irréparable.

Ce soir-là, ce fut le souvenir de Christiane qui l’arrêta au bord de la chute.

Un étrange concours de circonstances allait rendre illusoire cette dernière barrière.

Mais il était loin de le soupçonner lorsque, ayant déposé Nedjma dans sa case, il s’enfuit pour échapper à la griserie qui lui montait au cerveau.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain, quand le capitaine rencontra Omar se dirigeant vers le camp, il lut un sourire dans ses yeux :

— Tu ne m’en veux plus de mon bavardage d’hier ? lui dit-il.

— Oh ! non pas, d’autant plus que nous voilà quittes, si je suis bien renseigné.

— Que veux-tu dire ?

— Tu le sais bien… Mata a parlé… il me dit tout, Mata…