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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/268

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— Parfaitement.

— Alors, je m’en rapporte à vous, monsieur, interrogezles.

— Si vous le permettez, mon général, je vais les prendre à part pour les mettre en confiance, dit l’interprète.

— A quoi bon ? fit l’ingénieur, puisque nous allons reconnaître nous-mêmes.

— S’ils veulent parler, ils peuvent nous faciliter singulièrement cette reconnaissance.

— Essayez.

L’interprète descendit de la nacelle.

Les deux mulets porteurs de cantines qui avaient été choisis pour prêter leurs queues vigoureuses aux prisonniers attachés par le cou furent tirés à l’écart, et Saladin examina les deux indigènes.

Il ne s’était pas trompé.

A leurs yeux petits, aigus, confinés sous d’épais sourcils, à leurs mentons carrés, à leurs fronts bombés, au port fier de leur tête, enfin à la teinte d’indigo qui couvrait leurs jambes et leur figure, on reconnaissait les Berbères qui, avec les Aouellimiden, constituent les Touaregs du Sud.

S’ils n’avaient plus le « litzàm », ou voile traditionnel qui protège contre la vue leur bouche (cet orifice qu’on ne doit pas montrer, disent-ils, parce qu’il sert à introduire la nourriture dans le corps), c’est que, dans la lutte qu’ils avaient soutenue contre les chasseurs d’Afrique, ils avaient eu leurs vêtements mis en lambeaux.

Et Guy de Brantane, qui les observait, les vit dresser l’oreille aux premiers mots de l’interprète.

Après quelques instants de mutisme, ils consentirent à répondre ; leur physionomie s’était éclairée : à la place des deux brutes de tout à l’heure, Saladin se trouvait en face de deux hommes aux traits durs, mais au regard intelligent et d’une étonnante fixité.

Sans doute, en entendant parler leur langue, ils s’étaient adoucis, et contre la promesse de meilleurs traitements ils s’étaient décidés à parler.

— Mon général, vint dire Saladin au bout d’un instant de conversation, consentez-vous à me confier ces deux hommes, avec l’agrément de M. Durville, toutefois ?