Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au déclin de l’âge ce qu’il avait été autrefois comme instructeur à Saint-Cyr, lorsque, entamant une conférence devant ses élèves sur un sujet intéressant, il arrivait à peine à en traiter les prémisses pendant les trois quarts d’heure qui eussent dû être affectés à la causerie tout entière.

— Brave homme, cet ingénieur, fit-il, lorsque l’échelle descendit à terre.

Mais quand il en eut gravi les échelons et se retrouva sur le plancher de la nacelle :

— Qu’est-ce donc ? demanda-t-il en constatant l’altération des traits de M. Durville.

— Mon général… dit l’ingénieur, il est évidemment trop tard pour reculer, sans quoi je me permettrais…

— Reculer ! fit le général, comme si une vipère l’eût piqué au talon.

— Oui, reculer, s’il en était temps encore je vous dirais : « Ne restez pas dans cette plaine, adossez-vous à quelque chose, à un ravin, à un escarpement, à une place forte, car vous allez être enveloppé. »

— Enveloppé ! mais j’y compte bien, et vous allez voir comme ça me gêne !

— Je n’ai pas voulu dire seulement enveloppé, mon général. reprit l’ingénieur d’une voix altérée, mais étouffé… écrasé peut-être…

— Allons, mon brave, dit le général, dont le ton changea subitement : vous vous moquez de moi ou plutôt vous n’y connaissez rien ; vous êtes un excellent savant, un inventeur de premier ordre, mais vous ignorez ce que c’est que la tactique et vous oubliez les leçons de l’histoire.

— C’est que l’histoire n’offre rien de comparable a ce que je viens de voir, répondit M. Durville ; depuis les invasions des Huns, des Vandales et des Goths, on n’a pas vu de pareilles émigrations : la supériorité numérique de votre ennemi de demain est écrasante… ils sont légion.

— Et loin d’ici ?

— A quelques kilomètres seulement, quinze tout au plus, et ce n’est pas un de mes moindres soucis qu’une pareille armée soit aussi proche sans que vous en ayez été avisé.

— Et ils nous attendent ?

— En ce moment ils sont immobiles, et, à vrai dire, je