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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/299

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Cette marche de nuit à elle seule, cette bataille de nuit, car il n’y avait plus maintenant à en douter, l’attaque allait se produire, constituaient de la part de ces barbares une révolution complète dans le domaine de la guerre.

— Ah ! semblaient-ils dire : vous êtes bien fiers de vos fusils qui portent si loin et si juste, mais il faut des yeux pour guider la balle ! Que deviennent vos yeux dans cette nuit noire ?

Vous avez confiance dans des canons qui envoient la mort à 12 kilomètres et qui lancent quinze obus à la minute, essayez donc de les pointer dans cette obscurité !

Vous êtes manœuvriers ; vous connaissez des formations pour attaquer et d’autres pour vous défendre, vous savez évoluer rapidement de l’une à l’autre ; voyons de quel secours elles seront pour vous contre un adversaire qui va venir dans l’ombre vous prendre à la gorge ?

Vous avez souvent, avec votre cavalerie disciplinée rompu nos charges tumultueuses et désordonnées ; mais déjà vos chevaux reculent, ont peur devant l’ennemi invisible… A quoi va vous servir votre cavalerie dans ces ténèbres ?

Enfin, pendant le jour, vous dirigez la bataille comme vous l’entendez ; vous dégarnissez tel point pour renforcer tel autre. Vous trouvez aisément notre point faible et vous le percez à l’heure que vous avez fixée. Vous préparez l’attaque avec vos armes à feu, vous l’exécutez avec vos baïonnettes, vous poursuivez ensuite avec les jambes de vos chevaux. Vous savez tourner, envelopper, surprendre. Eh bien ! nous allons vous condamner à l’immobilité, à l’immobilité inquiète et brutale. Vous ne pourrez compter devant. vous ni les vivants, ni les morts, et, quand nous serons corps à corps, vous verrez si nos cœurs tremblent et si nos muscles sont vigoureux !

Voilà, ce que disait cette marche audacieuse, recommandée jadis aux armées européennes par le colonel von Kustow dans une étude qui semblait alors viser à la plus haute fantaisie.

En présence des effets foudroyants de l’arme à feu, cet érudit professeur à l’académie de guerre de Berlin avait, en effet, prôné les batailles de nuit comme étant les seules possibles a l’avenir.