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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/315

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— Je vous en conjure, mon oncle, dit-il, tentons quelque chose ; essayons, au moins, de sauver ce drapeau !

M. Durville hocha la tête tristement,

— C’est risquer de nous perdre inutilement, répondit-il d’une voix sourde, car il nous faut descendre jusqu’à 100 mètres et nous serons assaillis de coups de feu de tous côtés ; or si un accident nous arrive, quels témoins oculaires iront porter à Alger la nouvelle de ce désastre ?

Et, comme si les faits eussent voulu renforcer cette opinion, une volée de balles siffla autour de la nacelle, et, pour la seconde fois traversée en deux endroits, l’enveloppe d’aluminium vibra lugubrement.

— Mais nous baissons, s’écria Gesland, l’œil sur le baromètre : nous ne sommes plus qu’à 550 mètres et, coup sur coup, il jeta au dehors quatre lingots de lest.

Pendant que l’aérostat montait s’éloignant pour toujours de ce lieu maudit, Guy se pencha une dernière fois.

Le dernier carré venait de céder à l’assaut des flots noirs.

Quelques coups de baïonnettes scintillèrent encore au soleil, puis les bras lassés des derniers survivants retombèrent.

Le dernier drapeau sombra dans la tourmente. Avant de le voir tomber, le général Quarteron venait de mourir l’épée à la main.

Son dernier cri avait été de : « Vive la France ! » et il sembla aux passagers du Tzar qui l’entendirent à travers le tumulte, que c’était sa dernière pensée qu’il leur envoyait.

Maintenant le jour, complètement levé, éclairait dans ses moindres détails le champ de carnage.

Jamais pareille accumulation de morts ne s’était vue sur la terre d’Afrique.

L’hécatombe commençait au loin : par tas isolés, puis par lignes entières, les cadavres noirs jalonnaient l’itinéraire de l’armée musulmane.

Plus près, on distinguait maintenant le rempart de corps entassés, derrière lesquels les Arabes s’étaient abrités pour tirer.

Et, au milieu de ce fouillis de corps étendus, de larges