— Allons, laisse-moi, fit-il impatienté, tu me fais perdre mon temps.
Il se dégagea et se mit a courir.
Mais elle était agile comme une jeune antilope : elle le devança, se plaça devant lui :
— Écoute-moi, fit-elle brièvement, je te dis que c’est la révolte, la révolte de tes soldats, de tes nègres, de tous : ils te tueront, ils te cherchent.
— La révolte ! fit-il la regardant, sentant au son de sa voix qu’elle ne mentait pas : comment sais-tu ?
— Je sais, et c’est parce que je savais que je t’ai emmené loin ce soir.
— Ah çà ! je rêve ! que me dis-tu là ? fit-il, l’entrainant vers le camp.
— La vérité, et si l’étoile de Sankore a disparu, c’est que Tambouctou lui aussi se révolte.
— Se révolte ! mais contre qui ?
— Contre les Blancs, contre vous, les Français !
— Un coup monté alors… nous allons bien voir.
— La djiah !…
— La guerre sainte !
Il ne parla plus, commençant à croire ; il était encore à cinq cents mètres du camp : on ne tirait plus, mais la rumeur avait grandi, et, soudain, une flamme s’éleva.
— Vois, Lioune, fit-elle, ils ont réussi : tes camarades sont morts et toi, toi, dit-elle avec énergie, je ne veux pas que tu meures !
Elle l’entourait de ses deux bras, l’enlaçant étroitement, ses yeux dans les siens.
Il allait la bousculer, son devoir l’appelait : une sueur froide glaçait son corps.
Elle se débattit en l’appelant des noms les plus doux :
— Lioune, Lioune, n’y va pas, ils te tueront !
Dans ce rapide moment, il comprit qu’elle l’aimait ; mais il s’agissait bien de cela à cette heure.
Et sa compagnie ! et ses officiers !… ses officiers français surtout !
Soudain des pas retentirent sur le sable, et, comme il allait s’élancer, trois ombres surgirent à ses côtés.
— C’est vous, mon capitaine ?