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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/97

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Et aux demandes que lui adressèrent les deux officiers sur ce « Sultan » dont elle parlait pour la première fois, la jeune Mauresque répondit par l’exposé naïf de ce qu’elle savait, de ce qu’elle avait jadis entendu sous la tente paternelle, lorsque cachée derrière une portière, avec les femmes, elle assistait à la réception des messagers « du grand Khalife ».

Bientôt, à certains détails ainsi recueillis, de Melval avait fini par reconnaître dans ce chef suprême, l’ancien sultan de Constantinople, dont la chute avait fait si grand bruit en Europe, et à laquelle il s’était intéressé particulièrement puisqu’il avait connu à Saint-Cyr son fils Omar.

Il avait alors redoublé de questions : n’avait-il pas un fils, ce Sultan, dont elle ne parlait qu’avec un religieux respect ?

Et quand elle avait répondu que tous les musulmans connaissaient le prince Omar et le vénéraient autant que son père pour sa science et sa bravoure, de Melval avait été complètement fixé.

Le petit Saint-Cyrien de sa promotion, ce jeune Turc à l’air timide, aux yeux profonds, avec lequel il avait été lié jadis à l’Ecole, était devenu dans le camp de l’Islam un personnage redoutable.

A son tour l’officier avait appris à Nedjma et à Baba, qui écoutaient en ouvrant de grands yeux, qu’il connaissait le fils du khalife et qu’autrefois, en France, il avait été son ami et l’avait plus souvent appelé de son sobriquet habituel que de son vrai nom.

Quel sobriquet ? par exemple, il ne s’en souvenait plus. C’était si loin ; il y avait dix ou onze ans de cela.

— « Et puis, avait ajouté Zahner, ça nous fait une belle jambe : ça n’empêchera pas ses « gardes du corps » de nous couper « la cabèche », s’ils nous pincent, ce qui ne saurait tarder.

Ce fut le douzième jour de cette marche harassante que la faim leur déchira les entrailles pour la première fois.

Baba n’avait rien tué depuis trois jours, et la provision de viande qu’ils conservaient simplement séchée au soleil sur le dos d’Hilarion était épuisée.

Et ce soir-là, en arrivant au fond du cirque de dunes où Baba croyait trouver de l’eau, ils ne découvrirent en fouillant le sable qu’une plante d’un vert sombre, aux feuilles