Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vallées s’y creusaient et partaient en éventail dans la direction du Sud.

On ne voyait âme qui vive.

Un coup de soupape mit le ballon à 50 mètres de terre.

Soudain le vieux Targui poussa un cri de surprise.

— El bir (le puits) ! fit-il, montrant du doigt un trou qu’environnait une margelle circulaire sur laquelle les cordes des outres avaient laissé des traces profondes.

— Tant mieux, dit l’interprète, si l’eau est bonne nous renouvellerons notre provision.

— El bir-el-Gharama ! reprit le Targui.

Et ses yeux errèrent de tous côtés, retrouvant un site connu ; puis, une conversation très animée s’engagea entre les deux rôdeurs du désert.

Saladin n’eut pas besoin de la suivre pour savoir où il se trouvait : le nom seul qui venait d’être prononcé en disait assez.

Il venait d’arriver au point si tristement célèbre où avait fini lamentablement l’expédition du colonel Ftatters.

Oui, c’était bien là qu’en 1881 une mission française, partie pour traverser le Sahara et nouer des relations commerciales entre l’Algérie et le Soudan, était venue se faire massacrer tout entière, portant, après tant d’autres, la peine d’une confiance exagérée et de précautions insuffisantes.

Ce n’était pas la première fois que les Touaregs se révélaient à l’Europe les terribles batailleurs nocturnes qu’ils étaient mais jamais l’impression produite par l’anéantissement d’une colonne européenne n’avait ému à ce point l’opinion en France.

Et cependant cette opinion, si exigeante douze ans après quand arriva la nouvelle identique du massacre de la colonne Bonnier, ne réclama pas le châtiment des Touaregs.

L’Angleterre, en pareille situation, n’eût eu de repos qu’après l’avoir obtenu.

La France encore craintive, encore accablée sous le poids des souvenirs de 1870, s’arrêta au seuil de ce domaine mystérieux que lui interdisaient les « gens du voile ».

Le regard de Saladin erra sur le morne paysage où s’était accompli le drame, où les malheureux qui avaient échappé