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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/22

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atteindre, c’était aussi la vengeance des dédains subis, et, peut-être, qui sait ? la possession de la dédaigneuse qu’il fallait poursuivre.

La chance qui le servait si bien le servirait encore.

Et en s’endormant dans le hamac qu’il s’était dressé à l’extérieur de la nacelle pour trouver un peu de fraîcheur, il eut la vision de ses succès futurs dans l’armée musulmane : il se vit le bras droit, le conseiller de ce Sultan dont le nom était, à cette heure, invoqué par tous les croyants comme celui d’un Christ rédempteur des Noirs ; il perçut derrière lui le bruit d’une immense armée en marche, armée obéissante et sauvage, formidable instrument dans sa main, se ruant sur Paris et l’y faisant entrer en conquérant aux côtés du Commandeur des croyants.

Sous les bouffées de siroco qui passaient dans la nuit, il s’agita fiévreusement, rêvant une vengeance raffinée, sentant trembler sous ses baisers passionnés des lèvres imaginaires, puis tombant dans d’affreux cauchemars et battant l’air de ses mains pour chasser les fantômes de ses victimes, dont quelques-unes gisaient encore à quelques pas de lui.

La fraîcheur du matin chassa tous ces vertiges.

Au moment de partir, l’aérostat accusa une notable perte de force ascensionnelle, et l’interprète ne fut pas long à en trouver la cause.

L’enveloppe en aluminium du ballon avait été percée de part en part en plusieurs endroits par les balles arabes, et il était indispensable de les boucher avant de repartir.

M. Durville avait expliqué devant lui au petit Roffa comment il fallait s’y prendre : une bande de taffetas imperméable était collée à froid sur les orifices et maintenue par des lanières en croix ; puis le tout était recouvert d’une couche silicatée qui, en séchant, avait la dureté et l’imperméabilité du métal.

Il trouva tout ce qu’il fallait, car un ordre parfait avait présidé à l’arrangement de tout, et se hissa non sans peine à l’aide des nombreuses poignées réparties sur l’enveloppe jusqu’aux points voulus.

Deux heures après, cet important travail était terminé ; les pertes de gaz étaient réparées à l’aide de l’hydrogène comprimé, et le Tzar remontait dans l’espace.