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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/273

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Il fallait donc retarder d’un mois l’arrivée dans la Ville sainte.

D’ailleurs, si la Garde marchait à petites journées, toutes les armées qui la suivaient auraient le temps de se concentrer derrière elle, et le Sultan tenait à n’arriver sur le territoire sacré que suivi de masses formidables.

Le premier jour du Ramadan fut annoncé au loin par des salves d’artillerie ; le Sultan avait emmené avec lui six éléphants de l’armée du Mahdi, dressés au port des pièces ; ces merveilleux animaux constituaient à eux seuls une batterie complète, car chacun d’eux portait, outre la pièce elle-même, son affût et ses munitions.

Les canons que le Sultan traînait ainsi derrière lui ne provenaient pas de l’achat direct aux Anglais, comme tous ceux qui armaient l’artillerie du Mahdi ; ils avaient été pris sur l’armée anglo-égyptienne du général Hicks, exterminée à Kasghil par les derviches, en 1883, avec 11.000 hommes.

Seulement, au moment de s’en servir pour faire les salves de la prière de l’aurore, on s’aperçut que leurs servants n’étaient pas très ferrés sur leur service et leur fonctionnement ; et il fallut qu’Omar, rassemblant ses souvenirs de Saint-Cyr concernant ce vieux matériel Witworth, vint en aide au commandant inexpérimenté de cette batterie d’occasion.

De Melval lui-même, trouvant très plaisants les tâtonnements et les hésitations dont il était témoin, vint à la rescousse, et les cent coups furent tirés, non sans que deux des artilleurs mahdistes improvisés n’eussent reçu en pleine figure la décharge de l’une de leurs pièces.

On les emporta, la tête fracassée, sans que la moindre émotion se manifestât autour d’eux ; et le Sultan déclara qu’ils étaient entrés sans hésitation dans le paradis de Mahomet, affirmation qu’il fut sur le point de regretter, car tel était le fanatisme de ses soldats que d’autres furent sur le point de suivre l’exemple des deux imprudents béatifiés.

— Mes compliments, dit Zahner à de Melval, voilà que tu leur apprends maintenant à tirer le canon.

— Il fallait bien les sortir de leur embarras, et je l’ai fait sans remords, car je ne vois pas ces malheureux artilleurs essayant d’utiliser leurs pièces contre nos artilleries euro-