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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/50

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la passion que les yeux noirs de Nedjma avaient inspirée à Zérouk, passion qui n’avait fait que croitre depuis le départ d’Atougha et qui se fondait dans une haine sauvage contre l’heureux possesseur de cette perle sans rivale.

Et si Mounza eût pu lire dans la pensée du renégat, il eût été désagréablement surpris

« Je la remettrai entre tes bras comme je mets cette amulette à mon cou », avait dit Zérouk.

Peut-être la lui remettrait-il un jour, mais certainement c’était pour lui-même que l’Anglais songeait à la prendre tout d’abord.

Au milieu de ces orages qu’elle soulevait inconsciemment autour d’elle, la jeune fille était tout à son amour pour le jeune capitaine ; elle occupait sa tente ; pendant les marches, séparée de lui par une simple toile qui partageait la « guëtoun » en deux chambres distinctes : de cette façon on ne pouvait pénétrer auprès d’elle sans le réveiller lui-même.

Combien de nuits blanches elle avait passées en l’entendant se tourner et se retourner sur la natte qui lui servait de lit.

Déjà femme, elle se sentait troublée par un vague émoi : mais elle n’avait qu’à se rappeler les traits de celle qu’elle avait maintes fois regardée jadis sur la photographie au camp de Tambouctou pour faire taire ses désirs naissants et ses secrètes tristesses.

La résignation est le fond du caractère de la femme arabe, et Nedjma formée à l’obéissance vis-à-vis de l’homme dès sa plus tendre enfance, se contentait d’aimer en silence le maître qu’elle s’était choisi.

Elle n’avait d’ailleurs qu’un sentiment très indécis d’un bonheur plus complet, et tout au plaisir d’avoir Lioune auprès d’elle, elle bornait son horizon à celui de sa tente, et ses désirs à la joie de le voir.

Quant à lui, plus d’une fois, il avait été sur le point de lui ouvrir les bras : souvent le soir, à la fin de ses longues marches à travers les plaines du Darfour et du Kordofan, pendant qu’on dressait les tentes du Sultan et de sa suite, elle était venue s’étendre à ses pieds, ses yeux humides dans les siens, dans une attitude si douce, si pleine de muette