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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/75

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que je dois avoir avec ce… misérable-là a besoin d’un témoin et je ne puis en souhaiter un plus dévoué que vous… Inutile de chercher à vous échapper, ajouta-t-il avec un calme que démentait l’extraordinaire fixité de son regard. Je vous tiens et ne vous lâcherai que quand je saurai de vous tout ce que je veux savoir.

— D’ailleurs, reprit Zahner, tirant son revolver, si vous tentez de vous défiler, je commence par vous faire boire un bouillon dans le Nil ; vous me direz si c’est vraiment « l’eau du Paradis » ; ensuite je termine par l’envoi d’un projectile de fort calibre : la vie d’un homme, même d’un ambassadeur comme vous, ne coûte pas cher ici, et la cour d’assises ne nous effraye pas.

Le capitaine de Melval mit la main sur le bras de l’officier et abaissa son arme.

— Gardez-vous bien de tirer sur cet homme, fit-il d’un ton méprisant. Je me suis engagé formellement à respecter sa vie.

— Engagé ? vis-à-vis de qui donc ?

— Vis-à-vis de son nouveau maitre, le Sultan, car ce misérable, il faut que je vous le dise tout de suite, n’a quitté l’Algérie et n’est venu ici que pour se mettre au service de l’invasion musulmane.

— Ah ! s’écria Zahner, c’est là la mission dont il me parlait ? Quel aplomb !

— Et dans quelque temps, poursuivit de Melval, vous le verrez pourvu d’un commandement dans l’armée noire, marcher contre ceux qui ont eu le malheur de l’avoir jadis pour compagnon d’armes.

Zahner cracha à terre. Il avait appris des Arabes ce geste familier à ceux qui veulent témoigner de leur mépris pour quelqu’un ou de leur dégoût pour quelque chose.

— Et moi qui allais oublier toutes ses malpropretés de jadis et qui me reprochais déjà mes aménités de tout à l’heure, en songeant qu’il était Français : un Français ! ça ! allons donc ! fit Zahner en le regardant dans les yeux.

— Comprenez-vous maintenant, reprit le capitaine, pourquoi j’ai dû promettre à ceux qui l’emploient de respecter la vie de cet homme ?… donc rentrez cette arme inutile… et vous, dit-il à l’interprète, répondez à mes questions.