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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/93

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inférieure déviée et saignante, hideux, méconnaissable.

Il ne pouvait plus, en cet état, paraitre devant le Sultan et son fils ; bien plus, il ne resterait pas au camp une heure de plus ; avant tout il fallait faire disparaître les traces d’une rencontre sur laquelle il ne tenait pas à donner d’explications.

Par bonheur, le prince Omar lui avait, la veille même, tracé sa première mission.

« Pousser jusqu’à la mer Rouge, et compter les vaisseaux européens qui croisaient dans le détroit de Bab-el-Mandeb ou aux environs. »

Le temps de la remplir et il serait devenu présentable.

Quant à Zahner il ne perdrait rien pour attendre.

L’autre non plus, car si l’interprète nourrissait contre le lieutenant une rancune féroce, il avait contre le capitaine une haine sérieuse et sans merci.

Il avait pu la veille le tromper avec une infernale adresse, tourner et retourner le poignard dans la plaie qu’il avait ouverte, mais il suffisait d’un hasard pour mettre l’officier sur la trace du mensonge.

Un jour ou l’autre il saurait la vérité.

Il fallait qu’il disparût avant.

Tout en faisant ces réflexions, il avait réveillé les trois indigènes qui, roulés dans leur burnous, dormaient étendus sur le pont.

Ils constituaient son nouvel équipage et avec le flegme de leur race ils assistèrent sans surprise aux préparatifs du départ.

Le Sultan leur avait dit allez : ils allaient, les yeux fermés.

C’étaient trois Soudanais du Kordofan, jeunes, à l’air éveillé et intelligent. Appartenant à deux des principales familles d’El-Obeïd, ils avaient demandé comme une faveur d’entrer dans la garde particulière du Sultan, et Omar, sûr de leur dévouement et les sachant prêts à tout, les avait adjoints à Mata pour avoir à bord du Tzar des créatures que nulle influence ne pourrait suborner.

Au dernier moment Saladin, réfléchissant à ce que sa disparition imprévue aurait d’extraordinaire aux yeux du Sultan, avait écrit au prince Omar une lettre où, après les salutations d’usage, il donnait comme raison de son départ