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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/102

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regarder Alain ; celui-ci se tourna vers Falet.

Le rictus d’attente du petit bonhomme se détendit tout à coup ; il montra du doigt un placard.

Il n’y avait que la drogue, il n’y avait pas à essayer d’en sortir, le monde était la drogue même.

Alain ouvrit le placard et y prit une fiole. Puis il tira de sa poche la seringue qu’il avait emportée de chez la Barbinais. Il remplit la se‬ringue d’héroïne, retroussa sa manche et se piqua.

Il resta le dos tourné un instant, regardant le mur. C’était fait, ce n’était pas difficile. Les actes sont rapides ; la vie est vite finie ; on en arrive bientôt à l’époque des conséquences et de l’irréparable.

Déjà son passé immédiat lui paraissait incroyable. Avait-il rêvé vraiment de se désintoxiquer ? S’était-il enfermé vraiment dans ces abominables maisons de santé ? Avait-il écrit un télégramme à Dorothy ? Avait-il serré Lydia dans ses bras ?

Il se retourna, il pouvait bien regarder Eva Canning : la beauté, la vie sont en plâtre. Tout était simple, clair, tout était fini. Ou plutôt il n’y avait pas eu de commencement, il n’y aurait pas de fin. Il n’y avait que ce moment, éternel. Il n’y avait rien d’autre, absolument rien d’autre. Et c’était le néant, foudroyant.

Eva aspira la pipe que lui avait préparée