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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/116

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pas plus fort qu’Alain », était-il obligé de se dire.

Il fallait que sur-le-champ il prouvât le contraire ; il fallait qu’il montrât à Alain la différence qu’il y avait entre eux, qu’il lui fît sentir son pouvoir. Mais, pour se défendre et attaquer, il n’avait jamais imaginé autre chose que de plaire. Il ne pouvait que se rouler avec son adversaire dans un avilissement subtil. Sa petite vitalité ne se manifestait que dans les seules réactions de son épiderme ; il était un perpétuel mimétisme.

Il entama sa ruse du jour, il allait se parer aux yeux d’Alain des sentiments qu’il devinait être chers à celui-ci. Mais, auparavant, il lui fallait s’exorciser par la parole de certain démon intime qui lui infligeait sans cesse la torture de la peur.

— Pourquoi feint-on de se dédroguer, mon Dieu ? Par gentillesse, pour faire plaisir à quelques amis inquiets, pour ne pas laisser toute cette pauvre humanité seule dans son malheur. Mais nous n’avions pas attendu la drogue pour nous jeter à la limite de la vie et de la mort.

Ce nous, qui brusquait la complicité et simulait l’égalité, déplut fort à Alain. Il pinça les lèvres et répliqua :

— On essaie de se désintoxiquer pour ne pas crever, parce qu’on a peur d’être lâché par cette chienne de vie.