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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/120

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— Il y a quand même une espèce de gauchissement de tout…, commença-t-il.

Alain le coupa.

— La drogue, c’est encore la vie ; c’est embêtant, comme la vie.

— Ah ! non ! C’est la vie, mais atteinte par un certain rayon. C’est un état de veille bien salutaire. On connaît l’envers et l’endroit ; on a un pied dans chaque monde.

— Au fait, c’est vrai, vous croyez à l’autre monde.

Alain ne ricanait plus. Il prit son verre de whisky, il en but un grand coup. Il n’était pas fier d’avoir à tant mépriser un garçon dont il avait pris autrefois la finesse de touche pour de la délicatesse.

Urcel fit la grimace, il sentit qu’il avait été trop loin. Il se disait chrétien, depuis quelques mois ; mais il se flattait de ne pas fâcher les libertins au milieu desquels il avait toujours vécu. Son art avait faibli ; devant Alain, il aurait dû dire la même chose, sans y mettre de teinte religieuse. Sous le ton terre à terre qu’Alain affectait à peine et qui le choquait comme antipoétique, il craignait la rigueur morale. Mais il ne pouvait plus qu’aller de l’avant.

— Mon cher, vous n’allez pas me chamailler pour des mots que j’emploie, s’écria-t-il en haussant le ton. Je ne joue jamais sur les mots, mais je me sers de ceux qui me sont commodes. Je