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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/127

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il n’aurait voulu se raccrocher et s’arrêter à un prétexte.

Mais Praline venait de le frapper à un point sensible. Il n’avait pas été sans se demander souvent : est-ce que tous les dégoûts ne viennent pas de ma médiocrité ? Pourtant, il se rappela le bref retour au papier et à l’encre qu’il avait fait la veille au soir : il pouvait se dire qu’il lui aurait fallu se sentir possédé d’un cri bien plus fort que celui d’Urcel, pour admettre de prolonger ses désirs et sa vie en pensant et écrivant.

Et, au reste, il savait de quelle ancienne rancune se nourrissait la sévérité de Praline. Il l’avait connue, quand elle essayait de vivre. Dans ce temps-là, on buvait du champagne chez elle, on ne fumait pas et, au petit jour, elle retenait un des hommes qui étaient encore là. Mais celui-là s’enfuyait deux heures plus tard, déçu, car elle n’avait rien pu lui donner, ayant tout gaspillé dans les coquetteries de la nuit.

Cependant Praline, lisant les pensées d’Alain, voulut le défier.

— Urcel court un plus grand risque qu’un autre, parce qu’il a plus à perdre qu’un autre.

Alain hocha la tête, le visage fermé.

— Il faut qu’il fasse son œuvre, acheva-t-elle. Dans son emportement, elle oubliait son savoir-faire habituel et prenait un ton emphatique.

Urcel en fut fort agacé.