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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/129

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Il était fort gêné du secours maladroit que Praline lui apportait.

Praline soudain parut honteuse. Tout au fond d’elle-même, elle jugeait fort bien Urcel ; elle savait qu’il était, tout autant qu’elle, brutalement personnel et fort peu soucieux de véritable délicatesse. Et pourtant elle l’admirait d’en prendre parfois d’une façon si réussie, pensait-elle, les apparences. Elle se sentait incapable de pareilles habiletés, et en prenait d’elle-même un sentiment humilié.

Mais d’un autre côté, elle avait appris de la vie qu’il ne faut jamais donner aux gens l’habitude de vous marcher sur les pieds.

— Après tout, vous feriez peut-être mieux de ne plus venir ici et de ne plus fumer, lança-t-elle donc à son vieil ami.

Aussitôt elle eut peur, non pas d’avoir froissé Urcel, mais d’une perspective qu’ouvraient ses paroles. « L’opium m’enlève mes dernières années de jeunesse, s’il lui enlève son talent. »

Toutefois, avec sa vieille vitalité, elle ne pouvait rester sur une vue aussi funèbre. Elle se reprit sur-le-champ.

— Je veux blaguer, Urcel, vous êtes comme une salamandre. Alain, demandez-lui de vous montrer ses derniers poèmes, ils sont exquis.

— Une façon d’arranger tout, grogna Totote.

Depuis un instant, Urcel préparait fiévreusement une pipe.

Alain se leva et se mit à marcher.