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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/139

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rettes, mangeait des bonbons. Elle n’avait jamais ouvert un livre et savait à peine écrire les cinq ou six langues qu’elle parlait.

Fauchard, fils d’un homme qui avait beaucoup travaillé, avait hésité avant de se décider à remplacer son père à la tête de ses usines car il prisait par-dessus tout de passer d’interminables heures dans le commerce secret des femmes, et n’avait besoin que de peu d’argent. Pourtant, modeste, il ne s’était pas trouvé assez exceptionnel pour rejeter une tâche qui lui paraissait trop commune. Dès lors, il avait étouffé sans plainte ses penchants immodérés, et s’était montré ponctuel, capable de réflexion et de décision. Mais par ailleurs, il se réjouissait qu’une femme comme Maria s’établît avec aisance dans la liberté qu’il s’était refusée ; il était de ces hommes dont le cœur discipliné et agrandi par le travail peut transposer ses propres jouissances dans un autre cœur. Chez cet homme, d’un abord assez terne, il y avait une élégance dissimulée qui séduisait Alain. Mais Fauchard, pas plus que Brancion, ne tenait compte d’Alain. Alain aurait voulu plaire à tous, sauf à Mignac.

« Dans cette maison, je me trouve exactement sur le terrain où j’aurais voulu vivre, sur lequel j’aurais dû triompher. Je voudrais plaire à Fauchard. »

Mais il voulait plaire aussi à Brancion ; et aussi aux femmes. À celles-ci, il plaisait, d’ail-