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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/171

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Il y avait longtemps que je voulais écrire une excuse à Gonzague. Une excuse ! Je savais bien que l’examen de conscience que j’avais fait sur nous à propos de toi dans La Valise vide, était insuffisant. Terrible insuffisance de nos cœurs et de nos esprits devant le cri, la prière qu’était la tienne. Je te voyais jeté à la rue avec la valise vide et qu’est-ce que je t’offrais pour la remplir ? Je te reprochais de ne rien trouver dans le monde si riche, si plein pour te faire un viatique. Mais je ne te donnai rien. Car enfin peut-être ceux qui ne trouvent rien et qui restent là, ne sachant quoi faire, il faut avouer qu’ils demandent, et il n’y a qu’une chose à faire c’est de leur donner.

J’ai pleuré quand une femme au téléphone a dit : « Je vous téléphone pour vous dire que Gonzague est mort. » Hypocrisie infecte de ces larmes. Toujours la lâcheté de l’aumône. On donne deux sous et on se sauve. Et demain matin avec quelle facilité je me lèverai à cinq