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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/25

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Alain était pâle et avait les traits creusés.

— Vous n’êtes jamais allée en Amérique ? demanda Alain machinalement.

— Non, j’ai à peine le temps de connaître notre vieille Europe et là-bas, avec leur brutalité, ils me tueraient. Mais vous, vous y êtes allé, on m’a dit que vous aviez beaucoup plu.

Elle songea que ces Américaines avaient dû donner de l’argent à Alain sans compter ; elle, aurait compté.

M. d’Averseau profita de cet instant de songerie pour lui faire sa cour ; mais sa nature aigre l’entraînait comme d’habitude sur un terrain dangereux.

— Vous n’avez pas lu L’Action française de ce matin ? Le Maurras est naturellement absurde, mais il y a un article sur la cour de Louis XIV qui dépasse les bornes. Il y a là un pauvre professeur de province qui oppose le monde de Racine à celui de Proust. Mais il n’a qu’à lire les lettres de la Palatine : on y voit les mêmes goûts qu’aujourd’hui.

— Je ne lis jamais L’Action française répondit sèchement Mlle Farnoux qui avait gardé des origines plébéiennes de sa famille une certaine haine des opinions d’extrême droite.

— Il me faut bien la lire puisque toute ma famille la lit, continua doucereux M. d’Averseau, mais je ne l’aime pas. Je disais encore, l’autre soir, à mon oncle…