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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/68

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Drôle de conversation.

Alain s’approcha du zinc et regarda vaguement les livreurs pendant qu’on lui versait la boisson nationale. Il but son verre d’un trait et en demanda un autre.

Puis il s’adressa aux livreurs.

— Vous rentrez à Paris ?

— Oui.

— Voulez-vous me prendre avec vous ?

— Ça nous est défendu.

— Je pense bien. Mais vous en prendrez bien un avec moi. Patron, deux autres.

Il trinqua avec eux, puis ils l’embarquèrent.

Qu’allait-il faire à Paris ? Déjeuner chez Dubourg. C’était tout ? Il toucherait son chèque. Après ? Après…

En se réveillant, de son lit il avait regardé sur la table les papiers. Mais l’émoi de la veille était dissipé, il n’avait plus aucun élan. Aussitôt il avait décidé de ne plus écrire, de ne plus réfléchir. Il avait, en même temps, justifié son changement par le déjeuner chez Dubourg : il s’était réveillé tard, il n’avait que le temps de s’habiller. Il avait filé en évitant le docteur.

Les deux livreurs étaient intimidés par Alain, un peu effrayés aussi, car il leur semblait engagé dans des voies peu fréquentées et dangereuses.

— Vous travaillez par-ici ? dit l’un d’eux.

— Je ne travaille pas.

— Vous vivez de vos rentes ?

— Non.