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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/76

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d’Alain : il avait peur. Était-il donc à ce point menacé ?

— Où en es-tu ?

— Moments atroces.

— Tu tiendras le coup ?

— Et après ? Qu’est-ce que tu veux foutre dans la vie ?

Alain s’assit sur le divan, au beau milieu des hiéroglyphes.

Dubourg demeura debout devant lui, la pipe à la main. Des élans affluaient et le jetaient vers son ami. Depuis deux ans, il avait trouvé une certitude, il vivait dans un enthousiasme intime. Mais il lui aurait fallu faire un immense effort pour dépouiller cet enthousiasme de ce qu’il avait de personnel, de façon à ce qu’en le laissant couler, il ne blessât et n’irritât pas Alain. Il regretta amèrement de n’être pas plus avancé dans sa métamorphose : on ne peut donner que ce qu’on a déjà tout à fait assimilé soi-même. Il était trop honnête, et Alain trop perspicace, pour faire semblant que ce travail fût plus avancé qu’il ne l’était et atténuer toute la complaisance de néophyte qui lui venait encore aux yeux et aux mains quand il parlait de ses découvertes.

Alain devinait cette effusion refoulée, et, sans mot dire, défiait son ami du regard. Puis, un instant après, il songeait à son salut, il s’effrayait de l’inefficacité de Dubourg et la lui reprochait en secret.