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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/87

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les passions que les mouvements du sang. Donc à quoi bon se demander si c’était la drogue qui avait fait la philosophie ou si c’était la philosophie qui avait appelé la drogue ? N’y a-t-il pas éternellement des hommes qui refusent la vie ? Est-ce faiblesse ou force ? Peut-être y avait-il beaucoup de vie, dans ce refus d’Alain à la vie ? C’était pour lui une façon de nier et de condamner non pas la vie elle-même, mais ses aspects qu’il haïssait. Pourquoi n’aurait-il pas cédé aux sursauts de sa délicatesse, et rompu, sans souci des conséquences, avec tout ce qui lui déplaisait et qu’il méprisait ? La délicatesse est une passion qui en vaut bien une autre. Pourquoi se serait-il arrangé avec les fermes, alors qu’elles ne sont ni très belles, ni très bonnes ? Pourquoi se serait-il obligé au travail, à ce travail fastidieux et aux trois quarts inutile qui remplit nos cités de son vain fracas ?

Mais alors, céder à cette pente, c’était retomber dans la protestation mystique, dans l’adoration de la mort. Les drogués sont des mystiques d’une époque matérialiste qui, n’ayant plus la force d’animer les choses et de les sublimer dans le sens du symbole, entreprennent sur elles un travail inverse de réduction et les usent et les rongent jusqu’à atteindre en elles un noyau de néant. On sacrifie un symbolisme de l’ombre pour contrebattre un fétichisme de soleil qu’on déteste parce qu’il blesse des yeux fatigués.