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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/120

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LE DÉPÔT.

que l’armée régulière fut lente à franchir. Celle-ci avançait avec sûreté. Sa gauche dépasse le Louvre, le Palais-Royal, la Banque, s’arrête devant la résistance de la pointe Saint-Eustache, mais gagne du terrain vers le square Montholon et la gare du Nord ; sa droite file par les rues d’Assas et de Notre-Dame-des-Champs ; elle touche au Val-de-Grâce et menace le Panthéon. Le mouvement concentrique se dessine ; le pivot des opérations est la butte Montmartre, ce fameux mont Aventin, qui la veille a été lestement enlevé vers une heure de l’après-midi. La facilité avec laquelle fut occupée cette forteresse réellement redoutable eut peut-être pour principale cause les négociations que Georges Veysset avait dirigées. L’heure de ce malheureux était près de sonner, il allait périr victime de son dévouement à la cause dont il avait préparé le triomphe.

À huit heures du matin, Théophile Ferré, conduisant un peloton choisi parmi les Vengeurs de Flourens, s’arrêta devant la cour du Dépôt. Il était vêtu d’un léger paletot gris à collet de velours noir et tenait en main une badine dont il fouettait son pantalon. Il se tourna vers sa troupe et dit : « Tous les sergents de ville, tous les gendarmes, tous les calotins doivent être fusillés sur place ; je compte sur vous. » Deux jeunes fédérés déclarèrent qu’ils voulaient bien se battre, mais qu’ils ne voulaient pas faire si laide besogne. Ferré les traita de lâches ; leurs camarades les appelèrent fainéants ; ils ne répondirent mot et se retirèrent.

Suivi de ses hommes, Ferré entra au Dépôt ;les fédérés restèrent dans le vestibule que l’on appelle le grand guichet. Ferré pénétra dans le greffe, envoya chercher le directeur, et lui ordonna de faire amener Veysset. Au bout de quelques minutes, Veysset parut sous la conduite d’un surveillant. En voyant des hommes armés, en reconnaissant Ferré, il devina le sort qui l’at-