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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/150

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LA MAISON DE JUSTICE.

occupée par nos troupes, et ils furent mis sans retard aux pompes qui combattaient l’incendie du Théâtre-Lyrique.

La maison de justice ne voulut point faillir à son titre ; elle sut garder les prévenus et les condamnés qui lui avaient été confiés. Vers quatre heures du matin, M. Durlin fit l’appel des vingt-sept prisonniers dont il était responsable ; aidé par les surveillants et par Deville lui-même, il les conduisit d’abord au poste de l’Horloge, dans l’avenue du Palais ; on n’y put rester, car les obus battaient la chaussée. On se rendit alors dans les constructions de la future chambre syndicale, rue de Constantine ; les projectiles en chassèrent encore les fugitifs, qui ne trouvèrent un refuge que dans la sellerie de la caserne de la Cité. Un des détenus s’évada, traversa le Petit-Pont et fut rattrapé, sous une grêle de balles, au coin de la rue Saint-Jacques par les surveillants Génin et Rambaud. Sauver les criminels dans des circonstances semblables, à travers l’incendie et la bataille, les maintenir dans des gîtes mal fermés et les rendre à la justice comme un dépôt sacré, est un trait d’héroïsme qui est l’honneur même du devoir professionnel. Le directeur Deville s’était sans réserve associé à ces efforts ; il voulait remettre lui-même ses détenus au procureur général ; on lui fit comprendre que l’intérêt de sa propre sécurité devait l’engager à disparaître. H prit la fuite, se réfugia à l’étranger, et n’eut point à comparaître devant les tribunaux, qui se seraient certainement montrés indulgents à son égard, car il exerça d’une façon irréprochable les fonctions qu’il avait eu le tort d’usurper.