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LES DÉTENUS.

qu’il en serait advenu ne faisait doute pour personne : les greffiers, les surveillants auraient été incarcérés et peut-être traduits devant la cour martiale qui jugeait les crimes de haute trahison contre la Commune ; ensuite on eût redoublé de brutalité envers les otages et leur vie eût été en danger, car on les eût livrés à la garde des fédérés. On s’abstint donc de mettre secrètement M. Claude en liberté, et c’est peut-être à cette détermination que les otages de la Santé ont dû de ne point périr.

M. Claude ne recevait pas seulement les visites de Caullet et de « la société » de celui-ci ; il en eut de plus désagréables. Dans la nuit du 4 au 5 mai, la porte de sa cellule fut brusquement ouverte ; il se jeta à bas de sa couchette et se trouva en présence d’un grand garçon, chaussé de bottes à l’écuyère et galonné sur toutes les coutures. C’était Chardon, le colonel Chardon, commandant militaire de la Préfecture de police depuis la mort du général Duval, dont il avait été l’aide de camp. Deux officiers et deux soldats tenant des lumières l’accompagnaient. Il interpella M. Claude avec grossièreté : « Eh bien ! vieille canaille, tu en as assez mis dedans, t’y voilà à ton tour, et je n’en suis pas fâché. » M. Claude répondit : « Je n’ai jamais fait exécuter que les mandats de justice, et à moins d’une erreur, comme le plus honnête homme peut en commettre, je n’ai jamais arrêté que des malfaiteurs. » À ce mot Chardon pâlit ; il se frappa la poitrine de la main, comme s’il eût voulu se désigner lui-même ; mais il retint une parole près de s’échapper et se tut. Il regarda M. Claude pendant un instant et se mit à rire. « Tout cela, mon vieux, n’empêchera pas qu’on te débarbouille la figure avec du plomb. » M. Claude, laissé seul, évoqua ses souvenirs et se rappela qu’en exécution d’un jugement du tribunal correctionnel, il avait eu à faire