Aller au contenu

Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
LA MORT DES OTAGES.

porte de leur cellule ne fut fermée qu’à six heures, au moment du « bouclage » réglementaire de la prison ; ils purent donc encore rester quelque temps ensemble. Pendant leur promenade, ils avaient attentivement prêté l’oreille aux bruits du dehors, et c’est à peine si de lointaines détonations d’artillerie étaient parvenues jusqu’à eux. On était au mardi 23, et la bataille ne se rapprochait pas de la Roquette. Un surveillant leur avait dit : « Le dernier quartier général de l’insurrection sera Belleville ; il faut prendre patience et courage ; la grande lutte sera autour de nous. » Les otages avaient fait l’expérience de leur nouvelle demeure et du système auburnien, qui laisse les détenus en commun pendant le jour et les isole pendant la nuit. Pour eux, c’était une grande amélioration. Le matin, on avait remis à chacun d’eux une écuelle avec laquelle ils avaient été à la distribution des vivres ; ils avaient reçu leur portion de « secs », comme l’on dit dans les prisons, c’est-à-dire de légumes délayés dans de l’eau. Tant bien que mal, après avoir avalé leur pitance, ils s’étaient endormis, l’estomac léger et la conscience en repos.

Le lendemain, 24 mai, dans la journée, un surveillant leur dit : « Il y a du nouveau ; toute la clique de la Commune est à la mairie du xie arrondissement. » Or cette mairie est située place du Prince Eugène, au point d’intersection du boulevard Voltaire et de l’avenue Parmentier, à trois cents mètres à peine de la Roquette ; c’était un mauvais voisinage. En effet, la veille, dans la soirée, la Commune et le Comité de salut public avaient tenu leur dernière séance à l’Hôtel de Ville. On avait décidé d’évacuer le vieux palais populaire et de transporter « le gouvernement » au pied même de Belleville, à l’abri de la colline du Père-Lachaise, non loin des portes de Vincennes, d’Aubervilliers et de Romainville, qui permettraient peut-être de tenter une fuite sur la zone